· Principe :
La fixation du colorant se fait grâce à la présence d'un intermédiaire : le mordant :
Ces intermédiaires sont de deux types :
· Soit un ion métallique : Al3+, Cr3+, Fe3+, ou Fe2+, Cu2+, ….
C'est par chélation que le mordant est relié à la fois à la fibre et au colorant. Les mordants sont des solutions d'alun, d'acétate d'aluminium, de sels ferriques, de sels chromiques ; dans ce dernier cas, ces colorants à mordants, très utilisés pour teindre la laine, sont appelés "colorants au chrome". On utilise K2Cr2O7 mais c’est Cr3+ qui est présent dans le complexe ; la réduction peut se faire grâce à l’acide formique ( réducteur ) employé pour ajuster le pH.
· Soit un polyphénol.
Les liaisons font intervenir les doublets des atomes d'oxygène, donneurs d'électrons
Ou encore les hydrogènes des –OH (liaisons hydrogène).
Remarque : comme ces substances sont également des tanins, on parle de "mordançage au tannin".
Le mordançage des fibres peut se faire avant teinture ou en présence du colorant. En pratique, le choix de la méthode repose sur diverses considérations : possibilité de réaction, teinte recherchée (qui ne sera pas forcément
celle du colorant) et maintenant toxicité de certains éléments (Cr3+).
¾ Mordançage à l'alun :
· L'alun ordinaire a pour formule Al2(SO4)3, K2SO4, 24 H2O ou ( AlK(SO4)2, 12 H2O).
C'est le type d'une famille de composés isomorphes (Mlll)2(SO4)3, MlSO4, 24 H2O.
Il est choisi pour des raisons de commodité mais l'élément déterminant Al3+ peut provenir de Al2(SO4)3 ou Al(CH3COO)3.
Les composés apportant Cr3+ donnent aussi d'excellents résultats.
· Expérience utilisant l'alizarine :
C'est une poudre rouge orangé ; dissolvons-la dans une solution de soude, on obtient une solution rouge-violet ; ajoutons une solution contenant Al3+, on obtient un colorant rouge vif gélatineux.
Les colorants gélatineux sont appelés "laques".
On peut teindre un morceau de tissu de coton en le trempant dans cette solution.
On peut écrire, en représentant schématiquement la cellulose par
et en milieu alcalin dilué :
Mais on peut envisager d'autres possibilités :
- remplacer les deux molécules d'eau par une autre molécule d'alizarine ou par deux autres –OH cellulosiques
- ioniser le deuxième –OH de l'alizarine (soude plus concentrée) d'où un deuxième .
Dans le cas de la laine, qui se teint aussi très bien, les liaisons covalentes de coordination issues des –OH de la cellulose sont remplacées par des liaisons issues de l'azote et de l'oxygène des groupes
.
· Enfin l'alizarine peut être remplacée par toute une série de dérivés hydroxylés de l'anthraquinone, certains d'ailleurs présents à côté de l'alizarine dans la racine de garance :
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Purpurine |
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Xanthopurpurine |
Pseudopurpurine |
Rubiadine |
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¾ Mordançage au tanin :
· Les tanins sont des polyphénols présents en abondance dans certains arbres : chêne (notamment dans les galles), châtaignier, pistachier (pourtour méditerranéen), sumac (Chine, Japon, Laos), acacia à cachou (versant sud de l'Himalaya, Thaïlande, …..).
· Certains tanins sont des hétérosides mais leur hydrolyse libère facilement deux molécules fondamentales. Selon le cas ces molécules sont :
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Acide gallique |
Acide ellagique |
Par leurs multiples fonctions phénol ou phénate (en milieu alcalin) ils peuvent produire des chélations ou donner des liaisons hydrogène, autant de "dents" pour accrocher la cellulose ou les protéines d'une part et certains colorants d'autre part.
En ce qui concerne la couleur obtenue, on peut s'en servir pour teindre directement en jaune, roux ou brun.
· Un deuxième groupe de tanins, présents dans des plantes, ne donnent pas lieu à hydrolyse. Ce sont des anthocyanes. Par exemple la gallo catéchine :
Ils teignent directement, donnant des tons plus rouges et plus intenses.
· Ainsi, beaucoup de tanins sont des mordants mais, ils peuvent aussi apporter eux-mêmes la couleur, tout au moins dans une certaine gamme.
· Enfin, l'addition de sels de fer donne, avec les phénols, des colorants noir, gris, brun (le fer est probablement complexé) et ces colorants peuvent, eux aussi, se fixer sur les fibres.
Remarque : tannage
Le tannage des peaux, pour les rendre imputrescibles et donner des cuirs, peut se faire par action du tanin de chêne sur les fibres dermiques de la peau, le collagène.
Le fait que le tannage puisse se faire aussi avec l'alun fait penser à rapprocher mordançage et tannage. Mais on ne compte pas sur le tannage pour obtenir la couleur définitive d'un cuir ; on fait appel ensuite, par exemple à des amines aromatiques, notamment l'aniline.
Les mordants
Le mordançage avant teinture est le plus courant, qui permet de préparer la surface à teindre (fil, étoffe) à recevoir la teinture. Il s'agit de dissoudre du mordant dans de l'eau tiède puis d'immerger la fibre dans le bain. Le tout est chauffé lentement pendant 1 à 2 heures ou laissé au repos (une dizaine d'heures au minimum) couvert. La proportion de mordant est fonction du poids de la fibre (sèche) à mordancer, de la nature de la fibre (lin, coton, laine, soie), du mordant utilisé (alun, fer, étain, chrome, etc.) et de la dureté de l'eau. Beaucoup de variables entrent ainsi en compte, le mordançage artisanal de même que la teinture étant donc souvent le fruit de longues expérimentations.
Il vaut mieux laisser refroidir le bain de mordant avec la laine, fibre qui n'aime pas les changements brutaux de température, la conserver humide dans un sac plusieurs jours puis la teindre. Plus le mordançage est long plus la couleur se fixera lors de la teinture. La teinte obtenue sera plus stable et uniforme3.
Il est aussi possible de ne pas teindre immédiatement la laine après le mordançage. Il suffit de la sécher à l'ombre, de la mettre dans un sac à l'abri de l'air et de la lumière.
Pour mordancer une fibre, fixer la couleur, des sels métalliques sont nécessaires, appelés mordants. Les plus courant sont
· l'alun (alun potassique) ( neutre, ne modifie pas la couleur ) disulfate d'aluminium et de potassium KAl(SO4)2•12 H2O
· le tartre (crème de tartre), bitartrate de potassium ou hydrogénotartrate de potassium, COOH-CHOH-CHOH-COOK ; 5,7 g par litre à 20°C, 45 g/L à 80°C ; E 336
· l'étain (chlorure stanneux), ( ravie les couleurs ) SnCl2
Le chlorure d'étain(II) peut être préparé en dissolvant de l'étain blanc dans de l'acide chlorhydrique6, la réaction prend du temps.
2 H3O+ + 2 Cl- + Sn = Sn2+ + 2 Cl- + H2 + 2 H2O
· le cuivre (sulfate cuivrique), CuSO4
· le fer (sulfate ferreux), ( fonce les couleurs ) FeSO4
· le chrome (bichromate de potassium). K2Cr2O7
Toutefois, Fer et Sn doivent être employés avec précaution car ils abîment la fibre, particulièrement la laine.
Les bains de mordançage et de teinture sont réalisés dans des récipient en inox ou émaillés.
pour la laine :
LE MORDANCAGE :
ALUN : Pour 1 kg de laine : 200 g d'alun
Dissoudre l'alun dans de l'eau bouillante. Y introduire la laine humectée. Porter à ébulition en remuant pendant une heure. Laisser refroidir. Sortir la laine et l'égoutter (ne pas la
tordre.).
SULFATE DE CUIVRE : pour 1 kg de laine : 25 à 50 g de sulfate de cuivre
Le sulfate de cuivre fait virer les jaunes en verts. Dissoudre le sulfate de cuivre dans de l'eau tiède, mettre la laine que vous venez de teindre (donc encore humide). Faire bouillir de 10
minutes à 1 heure en remuant. Bien rincer et égoutter la laine.
SULFATE DE FER : pour 1 kg de laine : 25 à 50 g de sulfate de fer
Le sulfate de fer permet de foncer les couleurs. Procéder de la même manière que pour le sulfate de cuivre. Faire bouillir jusqu'à 2 ou 3 heures.